Cercle Généalogique et Historique d'Aubière
Antoine DUBOIS, Curé de Saint-Nectaire
L'église de Saint-Nectaire vers 1840-1850
Prosper Mérimé
fut nommé Inspecteur général des Monuments historiques
le 27 mai 1834. A ce titre, il fit de nombreux déplacements en province.
Le 10 mai 1837, il soumet à son ministre, Montalivet, le plan de son
premier voyage :
"
Je prendrai la route de Clermont par Saint-Flour
Clermont
me retiendra assez longtemps non seulement à cause de ses édifices,
mais parce que j'en ferai le centre des explorations que je me propose de faire
sur plusieurs points du département du Puy de Dôme. Nulle part
je ne pourrai recueillir des notes plus curieuses sur l'architecture du Moyen-Age,
qui, autant que j'en puisse juger, a eu dans l'Auvergne un caractère
tout particulier
Je pense qu'il y a des choses intéressantes à
voir dans l'Auvergne surtout en fait d'églises du VIème siècle.
"
Dès 1841,Mérimée étudiant de près un rapport
de l'architecte Mallay, annonça sans hésiter l'intention de faire
restaurer complètement l'église de Saint-Nectaire. Il recommandait
toutefois les plus grandes précautions pour le lessivage des peintures
modernes qui pourrait détruire les fragments anciens sur les colonnes
et sur les chapiteaux du cur. Il interdit les réparations aux chapiteaux.
Sur la vue d'un croquis, il freina le zèle de l'architecte qui voulait
placer des machicoulis au sommet d'une église romane. Puis il présenta
en faveur de Saint-Nectaire le plus sobre et le plus bienveillant de tous ses
rapports, daté du 9 septembre 1851.
" L'état de cet édifice, un des plus remarquables de l'Auvergne,
n'est pas alarmant, mais plutôt affligeant. Grâce aux réparations
que le maire a fait exécuter, le clocher est consolidé, la toiture
renouvelée, le soubassement en partie refait. Mais il reste encore beaucoup
à faire pour rendre à cet édifice son aspect primitif ou
même pour le placer dans de bonnes conditions de conservation.
Quelques travaux sont nécessaires, surtout du côté du Nord
pour faciliter l'écoulement des eaux. Quelques ruines informes provenant
de l'ancien château masquent la vue de l'église de ce côté
et forment une pente qui renvoie les eaux contre le soubassement.
La façade n'est pas achevée, ou si elle l'a jamais été,
elle n'a pas de couverture. Dans cette partie il y a des ravages très
profonds et qui s'augmentent. Il est urgent d'y porter remède autrement
il serait à craindre que cette façade se détachât
et ne tombât en avant.
A une époque assez ancienne toute l'église a été
badigeonnée à l'intérieur d'une manière horrible.
On a figuré sur les murailles d'un édifice du XIème siècle,
toute l'ornementation ordinaire des monuments du XVIIIème siècle.
Il est impossible quand on ne l'a pas vu, de se faire une idée de l'aspect
repoussant de cette affreuse peinture. Il serait d'autant plus nécessaire
de l'enlever, que je me suis assuré qu'elle recouvre des peintures du
Moyen-Age.
La commune est absolument dépourvue de ressources. Elle est hors d'état
de remplacer les vitres brisées, les dalles de couvertures détachées,
etc. Un certain nombre de fenêtres bouchées en platras, devraient
être ouvertes et vitrées.
Je ne parle pas du pavé de l'église dont l'état est pitoyable.
L'église de Saint-Nectaire est un peu moins grand que celle du Port,
mais je la crois presqu'aussi ancienne.
La disposition est celle de la plupart des églises d'Auvergne, mais elle
n'a subi aucune modification qui ait altéré son caractère.
La sculpture particulièrement celle des chapiteaux du cur est des
plus élégantes et peut se comparer avec tout ce qu'il y a de mieux
en Auvergne, sans en excepter Issoire et Brioude.
Autant que j'en puisse juger, une somme de 12 ou 15000 Fr suffirait pour exécuter
les travaux les plus urgents et mettre l'édifice sur un excellent pied
de conservation. Cependant il serait nécessaire que le département
consacrât une petite somme à son entretien, car je crois qu'il
n'y a rien absolument à attendre de la commune.
L'église de Saint-Nectaire possède un reliquaire très ancien,
c'est un buste en cuivre émaillé, d'un admirable travail. Personne
ne se doute de la valeur de cet objet, dont le curé me semble ne pas
faire cas. Je sais qu'il est difficile de négocier l'acquisition d'un
objet appartenant à une fabrique, mais il est certain, d'un autre côté,
que ce reliquaire n'est pas gardé, et que si l'on ne prend quelque mesure,
il disparaîtra bientôt. Peut-être si l'on réparait
l'église, pourrait-on, par le moyen de M. Mallay obtenir la remise de
cet objet précieux, qui serait parfaitement placé au Musée
de Cluny. "
L'année suivante, Mérimée se félicitait de l'aide
modeste mais inespérée, apportée par la commune pour le
transport des matériaux, quoique le village, éloigné des
eaux minérales " et perdu au milieu de montagnes arides fût
absolument dépourvu de ressources. "
Ce " monument très remarquable perdu au milieu du désert
" lui paraissait plus que tout autre mériter la sollicitude de l'administration.
Il était d'avis de prendre toute la dépense à la charge
des Monuments historiques
mais il proposait de " traiter officieusement
" de l'enlèvement du reliquaire -- qui heureusement s'y trouve encore.
D'après Jean Larat : Les voyages de Prosper Mérimée en Auvergne et la protection des monuments. L'Auvergne littéraire 1er et 2ème trimestre 1959
Extraits
de RACINES
AUBIÈROISES n°49 - Juin 2001
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C.G.H.A. - Paul Dubois - 2001
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