Les ponts du bief ou les escaliers des Ramacles

Démêlés entre Guillaume Bayle et la Municipalité d'Aubière en 1819

Autrefois le bourg d'Aubière était entouré de remparts et on ne pouvait y pénétrer que par les portes : la Porte des Ramacles, au Sud, la Porte de la Quaire, au Nord, le Trou du Roudet, à l'Est, la Porte du Rossignol, à l'Ouest, etc.

Le bief du ruisseau, alimentant le moulin, passait le long des maisons construites "sur les murs", sur la façade Nord de la Place des Ramacles. Ces maisons n'avaient pour tout accès qu'un système complexe d'impasses, dont certaines subsistent aujourd'hui, comme l'impasse Saint-Joseph ou la rue du Petit Verger. La rue Charras ne débouchait pas et se terminait par deux ou trois impasses.

C'était bien incommode pour les vignerons d'Aubière qui devaient faire des détours pour accéder à leurs vignes ou à leurs caves.

Au début du XIXè siècle le village conservait cette disposition, et certains riverains du bief décidèrent de créer des passages, entre leurs maisons et la Place des Ramacles, afin de simplifier leurs allées et venues quotidiennes.

C'est ainsi que Guillaume Bayle, qui habitait la maison attenante à ce qui fut l'école Saint-Joseph (aujourd'hui, le Commissariat de Police), construisit un escalier enjambant le bief, pour pouvoir descendre directement sur la Place des Ramacles. Cet escalier (ou pont) subsiste encore de nos jours. Cette construction fut faite sans autorisation, et les conclusions des procédures qui suivirent montrent que son entêtement eut raison des oppositions.

Extraits du Cahier n°1 : "Aubière et l'eau" - C.G.H.A. (1993)

à Monsieur Leblanc, adjoint à la Mairie de Clermont

Clermont 21 juillet 1819

Monsieur,

Je n'avais pas perdu de vue votre lettre du 8 du présent, à laquelle j'ai à me reprocher de n'avoir pas répondu; alors le rapport de M. Detrenqualye n'était pas déposé; il l'a été depuis. Cette affaire n'étant pas dans les attributions de mon bureau, je n'ai pu la suivre. J'ai cependant demandé communication des pièces et j'ai vu qu'elle n'est pas dépouillée de difficultés. Le rapport de M. Detrenqualye, quoique favorable en partie à Bayle, laisse encore beaucoup à décider sur différentes difficultés qui s'élèvent. Bayle a des torts vis à vis du Maire : point d'alignement demandé dans ses constructions de bâtiments, point d'autorisation demandée pour ses constructions de pont, beaucoup de rodomontades auprès d'un Maire quoique le respect soit dû à l'autorité; telle est l'affaire de Bayle. On n'a pas pu s'occuper du jugement de cette affaire parce que l'employé qui en est chargé est malade depuis trois semaines. On m'annonce qu'il doit rentrer cette semaine; lorsqu'il sera rentré je le prierai de s'occuper de suite de cette affaire et je serai exact à vous en donner avis en vous adressant l'expédition de l'arrêté que vous me demandez, ce qui, j'espère, sera incessament.

Agréez l'assurance...

signé : Labrié

Préfecture du Puy-de-Dôme

Vu le Procès-verbal du Maire d'Aubière, dénonçant l'établissement sans autorisation d'un pont, pratiqué sur le ruisseau des Ramacles par le nommé Guillaume Bayle,

Vu le rapport de M. le Baron de Trenqualye, commissaire nommé pour vérifier les lois, par notre arrêté du 22 avril dernier, duquel il résulte que le pont dont il s'agit a été établi sans autorisation et sur l'exemple des propriétaires riverains,

Vu la nouvelle pétition présentée par Bayle pour lequel il se rend opposant à un jugement rendu par défaut contre lui par le tribunal de police de Clermont, et qui le condamne à la démolition d'un petit pont par lui placé sur le même ruisseau, depuis l'opération du commissaire et à cinq francs d'amende.

Vu les loix des 20 août 1790, 28 Pluvioze an 8, 21 Fructidor an 3, et le Règlement des constats du 5 Nivose an 8,

Attendu que les deux premières loix laissent à l'autorité administrative la connaissance de tout ce qui intéressent le libre cours des eaux,

Attendu que celle de l'an 8 attribue aux Préfets l'exécution des deux premières,

Attendu qu'il résulte de celle de l'an 3, et du Règlement de l'an 8, que les Préfets ne peuvent nullement évoquer la décission des affaires soumises aux tribunaux,

Qu'à plus forte raison, l'autorité administrative ne peut pas censurer les décisions judiciaires,

Attendu que Bayle devait s'assurer de l'autorisation légale avant l'établissement du pont sur le ruisseau des Ramacles,

Attendu néanmoins que cette nouvelle oeuvre de sa part a pu lui remettre une suite, une extension de l'escalier déjà établi pour son usage, sur une autre partie du bâtiment, qui par l'effet d'un partage a été attribué à son co-partagent,

Attendu au surplus que la nécessité de ces ponts en faveur des riverains du canal des Ramacles est reconnue indispensable pour la communication de leurs bâtiments à la Place du dit lieu, appelé des Ramacles,

Attendu l'ancienneté des travaux primitifs, dont les derniers peuvent être considérés comme une suite,

Attendu encore, l'offre faite par Bayle de se soumettre au payement d'une redevance, déterminée entre lui et le Conseil municipal d'Aubière, au profit de la fabrique de la paroisse, à titre d'indemnité de quelques arbres dont elle était propriétaire sur le ruisseau en question, et qui ont été coupés et enlevés par ceux qui ont établi des ponts sur le ruisseau,

Attendu que les établissements dont il s'agit ne peuvent être maintenus qu'à la charge de conserver les pierres des lavoirs pour le service public, et d'en permettre et faciliter en tous temps l'usage par des abords commodes.

Le Préfet du Puy-de-Dôme

Arrêté, article 1er

Il n'y a pas lieu à faire droit à la pétition de Guillaume Bayle, ayant pour objet la réformation du jugement de police du 22 juillet dernier.

Article 2

Les ponts par lui établis sur le ruisseau des Ramacles, pour la communication de ses bâtiments avec la Place des Ramacles sont maintenus dans les dimensions et d'après les formes où ils existaient lors de la visite de M. le Commissaire, à la charge par lui de baisser la rive du ruisseau au devant de ses propriétés, de manière à ce que le public puisse laver commodément et sans danger. De conserver toutes les aisances de passage aux habitants d'Aubière pour traverser le dit ruisseau, et d'en laisser libres et faciles toutes les avenues.

Article 3

Le Conseil municipal de la dite commune d'Aubière est autorisé à fixer, de concert avec Bayle, le prix de la redevance par lui offerte pour l'indemnité des arbres par lui supprimés.

Article 4

La fabrique de la dite paroisse d'Aubière est également autorisée à accepter, devant notaire, l'engagement du dit Bayle, de lui servir une rente annuelle de la somme qui aura été fixée conformément à l'article précédent.

Article 5

Le Maire d'Aubière est tenu d'assurer l'exécution du présent, dont il lui sera adressé copie pour être notifié au dit Bayle et à la Fabrique.

à Clermont-Ferrand, le 29 septembre 1819

signé : De Ligny

(...)

Notifié par nous, Pierre Blanc, garde champêtre de la commune d'Aubière, le présent arrêté de M. le Préfet, à Guillaume Bayle, cultivateur et propriétaire de la commune d'Aubière, en parlant à sa femme, avec injonction de se conformer aux dispositions des articles 2, 3 et 4 et à se trouver dimanche prochain, 28 du courant, pour consentir et fixer la rente annuelle énoncée audit arrêté envers la Fabrique du dit lieu d'Aubière, et à fin qu'il n'en ignore, j'ai laissé au dit Bayle copie du présent et du dit arrêté.

Aubière, le 24 novembre 1819

signé : Blanc

(Copyright pour tous les textes, M.-J. Chapeau, Archives privées)

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Cercle Généalogique et Historique d'Aubière

Les Ponts des Ramacles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Extraits de "Aubière et l'eau", Cahier du C.G.H.A. n°1 - 1993